Historique de la maladie
![]() Aloïs Alzheimer 1864-1915 |
Aloïs Alzheimer est un médecin psychiatre allemand du début du siècle. Il est originaire d’une petite ville de Bavière et fait ses études médicales à Berlin, Würtzburg et Francfort sur le Main.
En ce temps-là, un état de démence du sujet âgé est considéré par la grande majorité des psychiatres comme normal, lié à l’usure normale du temps, à la trop fameuse artériosclérose.
C’est dans l’un des meilleurs laboratoires du moment, où étaient appliquées les techniques de coloration à l’aniline, découverte de la chimie allemande, et les imprégnations argentiques des alchimistes italiens et espagnols, qu’il s’initie à l’étude microscopique du cerveau, alors à ses débuts, aux côtés d’un des grands fondateurs de cette discipline, Franz Nissl.
![]() Arnold Pick 1854-1924 |
Tous deux sont appelés en 1895 auprès d’Ernest Kraepelin, un des deux psychiatres allemands de cette fin de siècle à croire à l’intérêt de l’étude histologique du cerveau dans les maladies mentales. En effet, à cette époque, il existe 2 grandes écoles de neuropsychiatrie et neuropathologie en Europe Centrale : celle de Kraepelin, à Munich, dont Alzheimer devient l’élève, et celle de Pick à Prague, où travaille Fischer. Alzheimer suit Kraepelin à Munich en 1902.
4 ans plus tard, à l’âge de 42 ans, il rapporte, au cours d’une réunion des psychiatres allemands du sud-ouest, à Tübingen, l’observation d’une femme de 51 ans qui a présenté un délire de jalousie, suivi d’une désintégration des fonctions intellectuelles. L’examen au microscope du cerveau de la patiente a révélé la présence, dans le cortex cérébral, de lésions analogues à celles de la démence sénile, les plaques séniles, associées à des lésions jusque-là inconnues, caractérisées par des amas anormaux de fibrilles dans les neurones, les dégénérescences neurofibrillaires. Le concept de démence sénile avait été décrit bien avant ce siècle par Jean-Etienne Esquirol et Karl Wernicke. Plusieurs auteurs avaient déjà observé des plaques séniles, et notamment Fischer, qui les avait vues dans 12 cas d’une démence du sujet âgé, qu’il avait nommée « presbyophrénie », publiant ses observations lui aussi en 1907. On commence alors à parler de « maladie de Fischer ».
![]() Carl Wernicke 1848-1904 |
Mais en 1911, des élèves de Kraepelin montrent que les dégénérescences neurofibrillaires sont aussi présentes dans les cas de maladie de Fischer. A cette période, les écoles de Kraepelin et de Pick se disputent une chair importante à Breslau (aujourd’hui Wolcraw, en Pologne). L’école de Kraepelin l’emporte, et en 1912, dans son influent Traité de Psychiatrie, Kraepelin individualise la « maladie d’Alzheimer » comme une démence du sujet jeune, rare et dégénérative, laissant au terme de « démence sénile », les démences vasculaires du sujet âgé. Cette opposition sera reprise sans discussion par la majorité des écoles européennes. Alzheimer ne se doutait probablement pas que son nom allait ainsi passer à la postérité.
La description sémiologique ne s’est pas beaucoup modifiée de puis le début du siècle. Par contre, la façon de concevoir l’évaluation clinique des patients atteints de maladie d’Alzheimer a considérablement changée, notamment durant les trente dernières années. La thérapeutique a été le facteur déterminant de cette évolution :
Jusqu’aux années 1965, les études cliniques de la maladie d’Alzheimer ont surtout porté sur les troubles cognitifs avec une méthodologie descriptive, et peu homogène. Des outils standardisés et spécifiques n’étaient pas disponibles.
Des années 1965 à 1990, les progrès des neurosciences ont permis des avancées importantes dans les connaissances physiopathologiques de la maladie. Roth et son équipe, entre 1960 et 1980, précisent la nature et la localisation des lésions histologiques. Les travaux de Glenner et Wong, en 1983, conduisent à la purification de la protéine « b-4 amyloïde ». Dans les années 1976-77, trois équipes (celles de Bowen, de Perry, et de Davies) démontrent l’altération des systèmes cholinergiques centraux dans la maladie d’Alzheimer. De là est née la première piste de recherche pour une thérapeutique rationnelle, imposant de fait une identification fiable et reproductible des patients, de la nature et de la sévérité de leurs troubles.
Dans un premier temps sont apparus des tests cognitifs simples comme les échelles de Blessed (1968), de Pfeiffer (1975) et le célèbre Mini Mental Status Examination de Folstein (1975). Ces tests ont été conçus comme des outils de dépistage rapide et des indicateurs de sévérité de la démence, ils ne sont donc pas spécifiques de la maladie d’Alzheimer.
En 1984, le NINCDS-ADRDA, groupe américain de spécialistes de la maladie d’Alzheimer, propose les premiers critères diagnostic de la maladie. Peu à peu se dégage un consensus pour l’élaboration d’outils d’évaluation performants regrouper autour de 4 axes :
– tests cognitifs : Mattis Dementia Rating Scale ; Alzheimer Disease Assessment Scale-cognitive subscale (ADAS-cog) ; Syndrom Kurztest
– évaluation fonctionnelle (activité de la vie quotidienne) : Instrumental Activities of Daily Living (IADL) ; Physical Self-maintenance Scale
– évaluation comportementale (troubles comportementaux et de l’humeur) : ADAS-non cognitive subscale ; Behavioral pathology in Alzheimer Disease scale ; Neuropsychiatric Inventory
– échelles de classification globale de sévérité : Global Deterioration Scale ; Clinical Dementia rating Scale
Depuis 1990, le développement dans la recherche de molécules « anti-Alzheimer » a conduit les autorités administratives américaines (Food and Drug Administration) à proposer une série de recommandations pour l’établissement de l’efficacité d’une drogue « anti-démence ». Ces règles concernent la rigueur des critères diagnostiques de la maladie d’Alzheimer, la structure et le déroulement des essais thérapeutiques, et les outils de mesure de l’efficacité. Le respect des critères ainsi édictés est devenu la référence pour l’approbation sur les marchés américain et européen.