Les lésions histologiques

La maladie d’Alzheimer se caractérise essentiellement par 2 types de lésions cérébrales :

 les plaque séniles

 la dégénérescence neurofibrillaire (DNF).

 associées à une perte neuronale et synaptique notable.

L’influence de l’état artériel cérébral est discutée.

Les plaques séniles

 La protéine b-amyloïde ou peptide AbCette protéine a été initialement isolée à partir de vaisseaux méningés provenat de cas d’angiopathie amyloïde. Elle est connue sous une forme courte de 40 acides aminés (Ab40) et 2 formes longues de 42 et 43 acides aminés (Ab42 et Ab43).

Elle provient du clivage de son précurseur, l’ « amyloid precursor protein » (APP), protéine bien plus longue, comportant de 698 à 777 acides aminés. L’APP est majoritairement clivée par une enzyme appelée l’a-sécrétase. Le produit de ce clivage est soluble. Par contre, il existe une voie minoritaire, représentée par une b-sécrétase et une g-sécrétase, dont l’activité sur l’APP donne naissance au peptide Ab, produit de clivage non-soluble de l’APP.

Les causes même de la formation en excès de peptide Ab ne sont pas toutes connues. L’une d’entre elles est une mutation du gène codant pour l’APP, favorisant donc la formation du peptide Ab. Les dépôts de peptide Ab

 Les dépôts diffus

Ces dépôts sont volumineux (plusieurs centaines de micromètres de diamètre), mal limités. Ils contiennent essentiellement la forme longue Ab42 du peptide. Cependant, ces dépôts diffus ne sont pas liés à l’état intellectuel. Il n’est pas rare d’en trouver un grand nombre, sans traduction clinique, surtout chez les personnes âgées. On les trouve volontiers dans les noyaux gris centraux, dans le cervelet. Ils ne sont pas à proprement parler des plaques séniles, car : ils ne comportent pas les prolongements nerveux qui en forment la couronne ; l’aspect des synapses au sein du dépôt ne semble que rarement modifié ; les neurones à leur contact paraissent normaux.

 Les dépôts focaux

Ils sont sphériques, bien limités, plus petits que les dépôts diffus (environ 150 µm de diamètre). On les voit dans le cortex cérébral, notamment dans le cortex associatif. Ils correspondent à un dépôt focal, dense, de la forme courte du peptide Ab. Si ce centre, ce coeur, est entouré d’une couronne de prolongements nerveux, alors il réalise la véritable plaque sénile.


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La dégénérescence neurofibrillaire

Les lésions de dégénérescence neurofibrillaire (DNF) sont intra-neuronales. Elles sont formées par l’accumulation de neurofilaments anormaux dont le principal constituant est une protéine tau anormalement phosphorylée.

La protéine tau est un constituant des neurofilaments qui se lie aux microtubules du cytosquelette. Cette protéine est codée par un seul gène contenant 16 exons et situé sur le chromosome 17. L’épissage alternatif de ce gène génère la formation de six isoformes, co-existant dans les neurones dans certains rapports. Ces protéines comportent des régions répétitives (tandem repeat) du côté C-terminal qui permettent l’accorchage aux microtubules. La protéine tau est une phosphoprotéine avec de nombreux sites de phosphorylation identifiés à ce jour situés notamment du côté C-terminal. Des phosphorylations anormales mènent à l’agrégation des protéines tau en paires de fragments en hélice (PHF) au lieu d’une association aux microtubules.

Le concept de « tauopathies » existe depuis peu et désigne les maladies qui ont en commun le fait de comporter des agrégats intra-neuronaux de protéines tau anormalement phosphorylées. Certaines de ces phosphorylations sont génétiquement déterminées, par mutation du gène de la protéine tau, d’autres sont secondaires à d’autres processus neuropathologiques non encore élucidés.

Au moins 14 mutations du gène ont été reconnues responsables de « tauopathies », et notamment de formes de démence fronto-temporale avec parkinsonisme. En effet, en 1994, une forme familiale de démence fronto-temporale avec parkinsonisme est décrite, liée au chromosome 17 dans la région contenant le gène de la protéine tau. Depuis, d’autres formes familiales ont été liées à cette région, pour aboutir au concept des démences fronto-temporales avec parkinsonisme liées au chromosome 17 (FTDP-17).

Les maladies neurodégénératives avec tauopathie se chevauchent sémiologiquement : dégénérescence cortico-basale, paralysie supranucléaire progressive, démences frontales et fronto-temporales et maladie d’Alzheimer.

Aucune mutation du gène n’a été décrite dans la maladie d’Alzheimer, mais 3 protéines tau anormales ont été détectées : 60, 64 et 68 kD.

Si le lien entre protéine tau anormale et agrégats est établi, celui avec les DNF ne l’est pas : les modèles animaux porteurs d’un gène humain défectueux ne développent pas de DNF.
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Ces lésions sont assez bien systématisées et leur topographie est corrélée la nature des signes cliniques. Cette topographie suit une chronologie récemment identifiée dans la maladie d’Alzheimer. 10 stades sont ainsi distingués. Les 3 premiers sont communs avec l’histotologie du vieillissement normal :

  • stade 0 : pas de DNF
  • stade 1 : apparition d’une DNF dans la région transentorhinale
  • stade 2 : puis dans le cortex entorhinal lui-même
  • stade 3 : puis dans l’hippocampe.

Jusque là, la présence d’une DNF dans ces régions ne permet pas de différencier le vieillissement cérébral normal d’une maladie d’Alzheimer à son tout début.

  • stade 4 : La DNF atteint le cortex temporal antérieur
  • stade 5 : puis le cortex temporal inférieur
  • stade 6 : le cortex temporal moyen
  • stade 7 : La DNF s’installe dans les régions corticales associatives, dites « polymodales » :
    – frontale antérieure
    – temporale supérieure
    – pariétale inférieure
  • stade 8 : puis dans les régions unimodales (telle l’aire de Broca)
  • stade 9 : dans les régions corticales primaires, visuelle et/ou motrices
  • stade 10 : la DNF est présente de manière diffuse, y compris dans les noyaux gris centraux.
Détection des protéines Tau pathologiques, marqueur biochimique de la dégénérescence neuro-fibrillaire
dans le vieillissement normal
dans la maladie d’Alzheimer
Avec l’aimable autorisation d’André Delacourte

Les premières lésions apparaissent dans le cortex périrhinal et entorhinal, région de la face interne du lobe temporal, servant d’interface entre les aires associatives de l’isocortex (impliqué dans le traitement des informations) et l’hippocampe (impliqué dans le traitement de la mémoire). Puis les lésions touchent l’amygdale (vie affective), cortex associatif temporal (mémoire, langage), pariétal (apraxie, abstraction) puis frontal. On les retrouve enfin dans le noyau basal de Meynert, et dans d’autres noyaux sous-corticaux projetant sur le cortex (locus ceruleus, noyau dorsal du raphé, partie interne de la substance noire).

Des structures appelées « fantômes » témoignent de la disparition du neurone comportant ce matériel neurofibrillaire. Les aires et les couches riches en dégénérescence neurofibrillaire sont celles où la perte neuronale est abondante. Ces 2 arguments font penser que cette dégénérescence neurofibrillaire joue un rôle majeur dans la mort neuronale.

Il existe une nette corrélation entre la détérioration intellectuelle et la densité des dégénérescences neurofibrillaires dans l’isocortex cérébral et l’hippocampe.

Ainsi, les dégénérescences neurofibrillaires ne sont pas synomymes de maladie d’Alzheimer. Elles sont, de plus, observées dans d’autres affections, notamment la paralysie supranucléaire progressive.

De nombreux dépôts diffus de peptide Ab peuvent être trouvés chez des patients dépourvus de détérioration intellectuelle. Tous les centenaires présentent les lésions caractéristiques de la maladie (dégénérescences neurofibrillaires dans le cortex entorhinal et dépôts diffus de peptide Ab dans l’isocortex cérébral), même quand les fonctions cognitives sont normales. La simple présence des lésions ne permet pas de porter le diagnostic de maladie d’Alzheimer. Il est impossible aujourd’hui de déterminer si ces lésions sont une manifestation normale du vieillissement cérébral ou une phase préclinique de la maladie d’Alzheimer.


Les zones foncées représentent les régions corticales où les altérations histologiques sont le plus fréquemment observées avec une densité marquée.
La perte neuronale et synaptique

 La perte neuronaleDans la maladie d’Alzheimer, la perte neuronale ne s’élève pas à plus de 20% sur l’ensemble des régions corticales. Mais cette perte est concentrée dans les aires associatives (jusqu’à 50%) et dans les noyaux sous-corticaux (jusqu’à 60%). Pourtant, elle semble intervenir de manière tardive dans la détérioration intellectuelle. La corrélation entre perte synaptique et déclin cognitif est discutée.

à gauche : atrophie cérébrale particulièrement nette dans un cas de démence de type Alzheimer. L’atrophie coricale est associée à une dilatation ventriculaire.
à droite : cerveau d’une personne du même âge, intellectuellement normale.
(Pr J.J.Hauw, CHU Salpêtrière, Paris).
 
Atrophie cérébrale d’une maladie d’Alzheimer, intéressant les régions temporo-pariétales, avec ici, une extension en frontal.

 La perte synaptiqueElle a été longtemps difficle à mettre en évidence du fait des techniques d’études peu fiables. Les premiers résultats contributifs ont établi une corrélation entre l’état intellectuel et la densité synaptique. Mais cette corrélation est moins significative que celle qui unit dégénérescence neurofibrillaire et état intellectuel.

Les lésions vasculaires

La présence d’infarctus cérébraux semble bien majorer le risque de démence. Une étude aux Etats-Unis a été réalisée sur des femmes âgées, qui avaient, à l’autopsie, des lésions typiques de la maladie d’Alzheimer. La maladie était beaucoup plus fréquente chez celles qui avaient, en association, des petits infarctus dits lacunaires, en particulier dans 3 régions précises du cerveau : le noyau caudé, le thalamus et la substance blanche profonde. Des études sont à présent nécessaires pour savoir si la prévention des accidents vasculaires cérébraux peut aussi être préventive de l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

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